De nombreuses études ont démontré un lien clair entre l’intolérance au glucose et le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires (CV). Il est maintenant bien démontré que des interventions comme des modifications au niveau des habitudes de vie (alimentation saine, perte pondérale, activité physique, etc.) sont très efficaces pour réduire les complications chez les individus intolérants au glucose. Au niveau pharmacologique, des hypoglycémiants oraux comme la metformine ont aussi démontré certains avantages en terme de réduction du risque CV. D’autres médicaments agissant sur le système rénine-angiotensine-aldostérone ont aussi montré des bénéfices en réduisant le risque de développer un diabète ainsi que l’incidence de maladies CV.
Dans cette foulée, l’étude NAVIGATOR (Nateglinide and Valsartan in Impaired Glucose Tolerance Outcomes Research) a été mise sur pied afin de déterminer l’efficacité d’un hypoglycémiant oral, le natéglinide, et d’un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine, le valsartan, à réduire le risque de diabète et d’événements CV chez des sujets intolérants au glucose avec une maladie cardiovasculaire avérée ou des facteurs de risque cardiovasculaires. Cette étude factorielle 2 X 2 a été effectuée chez 9306 sujets qui ont reçu une des 4 combinaisons possibles de valsartan, natéglinide ou placebo sur une période de suivi moyen de 5 ans. Les volets évaluant respectivement l’effet du natéglinide et celui du valsartan ont été publiés dans le New England Journal of Medicine du 22 avril 2010.
Quelques mots sur le volet natéglinide qui démontre qu’en comparaison avec le placebo, l’hypoglycémiant oral n’a pas permis de réduire significativement l’incidence cumulative de diabète (36% vs 34%, respectivement; RR 1.07; IC95% 1.00-1.15; P=0.05), celle du point d’aboutissement CV principal (mortalité de cause CV, infarctus non fatal, AVC non fatal et hospitalisation pour insuffisance cardiaque) (7.9% vs 8.3%, respectivement; RR 0.94, IC95% 0.82-1.09; P=0.43), ainsi que celle du point d’aboutissement CV étendu (critères du point d’aboutissement composé avec hospitalisation pour angine instable et procédures de revascularisation) (14.2% vs 15.2%, respectivement; RR 0.93, IC95% 0.83-1.03; P=0.16). À noter le groupe recevant le natéglinide a démontré un risque significativement augmenté d’hypoglycémie (19.6% vs 11.3% ; P<0.001). Le volet valsartan a quant à lui démontré des résultats relativement similaires à ceux qui sont rapportés avec le traitement au natéglinide à l’exception du risque de présenter un diabète. Ainsi, l’incidence cumulée de diabète a été significativement réduite de l’ordre de 14% (risque absolu -3.7%) par le traitement au valsartan en comparaison avec le placebo (33.1% vs 36.8%, respectivement ; RR 0.86; IC95% 0.80-0.92; P<0.001). Cependant , le valsartan n’a pas permis de réduire l’incidence du point d’aboutissement CV étendu (14.5% vs 14.8%; RR 0.96; IC95% 0.86-1.07; P=0.43) ni celle du point d’aboutissement CV principal (8.1% vs 8.1%; RR 0.99; IC95% 0.86-1.14; P=0.85). Il importe de mentionner que le groupe traité au valsartan a présenté une réduction additionnelle significative de la pression artérielle systolique/diastolique de -2.8/-1.4 mm Hg (P<0.001) en comparaison avec le groupe placebo. Sur la base de ces résultats, différentes conclusions peuvent être tirées. Dans un premier temps, force est de constater que les résultats de cette étude sont principalement négatifs. En effet, tant le valsartan que le natéglinide n’ont pas démontré de bénéfices sur l’incidence des événements CV. La combinaison des deux médicaments utilisés chez 25% de la population à l’étude n’a également pas présenté de bénéfices. Dans le cas du natéglinide, son efficacité à réduire la glycémie post-prandiale n’a pu se traduire en bénéfices cliniques évidents. Pour ce qui est du valsartan, la baisse additionnelle significative de la pression artérielle ne s’est pas démontré avantageuse pour réduire le risque CV. Ce résultat surprenant peut toutefois être expliqué par certaines limites propres à l’étude. En effet, le haut pourcentage de « perdus-de-vue » (13%), de prise concomitante d’IECA ou d’ARA (24%) dans le groupe placebo et de non-adhésion au traitement par le valsartan (34% en fin d’étude) pourraient être des motifs suffisants pour expliquer cet état de fait. En conclusion, le valsartan, malgré une diminution significative de la pression artérielle et de l’incidence de diabète, ainsi que le natéglinide, utilisés seuls ou en association, n’ont pas permis de réduire l’incidence d’événements CV chez des sujets intolérants au glucose à haut risque CV. Sur la base de ces résultats, il faut préconiser des modifications aux habitudes de vie qui continuent de s’avérer des interventions privilégiées et efficaces chez cette population d’individus. RR : risque relatif ; IC95% : intervalle de confiance à 95% Luc Poirier B. Pharm. M.Sc. Références
NAVIGATOR Study Group et al. Effect of nateglinide on the incidence of diabetes and cardiovascular events. N Engl J Med (2010) vol. 362 (16) pp. 1463-76
NAVIGATOR Study Group et al. Effect of valsartan on the incidence of diabetes and cardiovascular events. N Engl J Med (2010) vol. 362 (16) pp. 1477-90
Nathan, DM. Navigating the Choices for Diabetes Prevention . N Engl J Med (2010) vol. 362 (16) pp. 1463-76