Dans sa dernière édition de l’année 2007 1, la revue JAMA fait état de la présentation du Dr. Juerg Nussberger au dernier congrès de l’American Heart Association, au sujet d’une étude préclinique de phase II sur un vaccin en cours de développement pour le traitement de l’hypertension, le CYT006-AngQb 2.
L’étude en question a été menée chez 16 sujets normotendus et 72 patients souffrant d’hypertension légère à modérée. Les chercheurs ont eu recours à un devis expérimental en double aveugle, avec allocation au hasard et contrôlé contre placebo. Les résultats de l’étude montrent que l’injection du vaccin, prévue aux semaines 0, 4 et 12 du protocole, a induit une réponse immunitaire notable telle qu’établie par l’élévation des anticorps anti-angiotensine II. L’élévation des anticorps variait selon la dose de vaccin utilisée (100 mcg ou 300 mcg) et a été associée à des abaissements significatifs de la tension artérielle ambulatoire. Ainsi, la réduction de la tension artérielle moyenne de jour chez les patients vaccinés avec la dose de 300 mcg a été de 5.6 mmHg pour la systolique (P=0.007) et de 2.8 mmHg pour la diastolique (P=0.034) à la quatorzième semaine du protocole. Une telle réponse est comparable à celle d’une pharmacothérapie anti-hypertensive conventionnelle administrée à faible dose. Le vaccin a également produit un effet soutenu sur la tension artérielle des premières heures du matin, une période critique dans la survenue des complications hypertensives. Les données de l’étude indiquent, par ailleurs, que le vaccin a été bien toléré de la part des participants.
L’éventuelle vaccination des sujets souffrant d’hypertension offre une perspective particulièrement intéressante dans le contexte où cette maladie à forte prévalence demeure mal maitrisée par les thérapies actuelles. Une des pierres d’achoppement dans la lutte contre l’hypertension est l’inobservance des patients vis-à-vis la prise quotidienne de leur médication. Parce qu’il induit une production durable d’anticorps contre l’angiotensine II, une hormone aux effets vasoconstricteurs puissants, le CYT006-AngQb devrait permettre d’améliorer l’observance thérapeutique et la maitrise de l’hypertension. S’il venait à être commercialisé dans sa forme actuelle, le vaccin devrait, par contre, être administré aux patients 2 à 3 fois par année due à la réversibilité de son activité anti-hypertensive.
L’étude de Nussberger et de ses collaborateurs est provocante en raison de son innovation. Cependant, elle n’est pas sans soulever des inquiétudes, légitimes il va sans dire, à propos de l’innocuité et des risques que comporte toute vaccination. L’étude fait également surgir des questionnements d’ordre éthique, compte tenu des options thérapeutiques sécuritaires actuellement disponibles et du peu de recul dont on dispose sur l’utilisation des technologies immunologiques chez l’humain pour le traitement de maladies autres que les infections. Néanmoins, l’idée que les maladies chroniques comme l’hypertension puissent un jour être traitées par des vaccins est attrayante. L’efficacité et la sécurité du CYT006-AngQb devront être confirmées par d’autres études.
Jean Lefebvre, pharmacien.
Faculté de pharmacie, Université Laval
Unité de recherche sur l’hypertension artérielle, CHUQ
Référence :
1 Mitka M. Vaccine takes aim at hypertension. JAMA. 2007 Dec 26;298(24):2854-5.
2 American Heart Association Scientific Sessions 2007; CYT006-AngQb, a vaccine against hypertension targeting Angiotensin II, reduces early-morning and day-time blood pressure; Abstract 2519, November 2007.