Il y a un grand intérêt pour la chronothérapie dans le traitement de l’HTA depuis quelques années. En effet, des résultats intéressants obtenus dans ce domaine changeaient graduellement notre pratique. Par exemple, donner de l’aspirine au coucher au lieu du matin diminue un peu la TA sur 24h, donner n’importe quel agent anti-HTA au coucher au lieu du matin diminue la TA sur 24h, rétablie la baisse de TA normale durant la nuit et pour les bloquant des canaux calciques cela diminue les œdèmes, un effet secondaire fréquent de cette classe de médicament. De plus, donner un médicament au coucher diminue plus la protéinurie. Est-ce que cette stratégie thérapeutique peut améliorer des issues cliniques plus importantes comme la morbidité et mortalité cardiovasculaire? Dans un article paru l’an dernier (étude MAPEC), on répond finalement à cette question : en utilisant au moins un médicament anti-HTA le soir on diminuait de plus de 60% les événements cardiovasculaire2.
Mais qu’en est-il des patients avec IRC? Dans une étude de sous groupe de l’étude MAPEC, les chercheurs ont étudié l’effet de donner un médicament antihypertenseur à l’heure du coucher par rapport à donner tous ces médicaments le matin dans une population d’IRC léger. Pour être admissible dans cette étude randomisée, les patients devaient avoir une IRC légère (TFG < 60 cc/min) ou une albuminurie et une HTA mal contrôlée. Ces patients avaient en moyenne 60 ans, 33% d’entre eux étaient diabétiques et le TFG moyen était de 66 cc/min. Comme paramètres d’évaluation, les chercheurs ont mesuré la TA sur 48h et les événements cardiovasculaires et rénaux sur 661 patients durant un suivi médian de 5.4 années. Les résultats obtenus sont impressionnants : dans le groupe de patients prenant un médicament anti-HTA au coucher, il y a eu réduction des événements cardiovasculaires de 69% (P < 0.001). Malgré le petit nombre de patients dans l’étude, presque toutes les composantes des événements cardiovasculaires évalués étaient améliorées de façon statistiquement significative, dont les infarctus du myocarde, l’angine, la revascularisation et l’insuffisance cardiaque. Comme autres résultats intéressants en faveur du groupe de patients prenant un médicament anti-HTA au coucher, on note une plus grande réduction de l’albuminurie (-27% vs -16%, P = 0.0018) et une moins grande réduction de la fonction rénale au suivi (-04 cc/min vs -2.3 cc/min, P = 0.043). La force de cette étude est la mesure de TA ambulatoire. La TA de départ était en moyenne légèrement hors cible à 135/71 mmHg (137/80 mmHg de jour et 129/71 mmHg de nuit). Au niveau de la TA à la fin de l’étude, on note surtout une réduction de la TA nocturne dans le groupe traité avec un médicament anti-HTA au coucher (117/65 mmHg comparativement à 123/66 mmHg), tandis que la TA de jour était réduite de façon équivalente (jusqu’à 128/73 mmHg en moyenne). De façon intéressante, les auteurs ont découvert une relation en J entre la baisse de TA de jour et les événements cardiovasculaires, mais cette relation ne semble pas exister avec la baisse de TA de nuit. Cette étude nous démontre qu’une stratégie thérapeutique simple consistant à donner au moins un agent anti-HTA à l’heure du coucher comparativement à les donner tous le matin est associée à une réduction spectaculaire des problèmes cardiovasculaires et une amélioration des paramètres rénaux dans une population de patients IRC léger. Cette stratégie thérapeutique est aussi très avantageuse au niveau pharmaco-économique car il n’y a pas d’ajout de médicament mais seulement une répartition durant la journée qui est différente. Les résultats suggèrent que c’est la baisse de TA nocturne, tout en évitant l’hypotension nocturne, qui semble être la cause de cette amélioration. Par contre, la TA diastolique nocturne moyenne dans le groupe traité est au-dessus de 65 mmHg, ce qui nous permet de conclure que l’hypotension nocturne a été évitée chez ces patients. Chez quels patients cette stratégie thérapeutique peut-elle être prescrite? Certainement dans une population IRC léger (ou plus largement des patients avec HTA mal contrôlé comme dans l’étude MAPEC), d’âge moyen et avec une TA diastolique nocturne > 65 mmHg afin d’éviter l’hypotension nocturne. Il serait téméraire de s’aventurer à utiliser ce traitement dans des groupes de patients à risque d’hypotension nocturne (comme chez les patients de plus de 80 ans et chez les patients qui ont une TA diastolique nocturne < 65mm Hg) avant d’avoir plus d’études dans ce domaine. Dr Michel Vallée MD MSc (épi.) PhD FRCPC Néphrologue Hôpital Maisonneuve-Rosemont Membre du CHEP Références
1) Bedtime Dosing of Antihypertensive Medications Reduces Cardiovascular Risk in CKD. Hermida RC, Ayala DE, Mojón A, Fernández JR. J Am Soc Nephrol. 2011 Oct 24. [Epub ahead of print] 2) Chronobiol Int. 2010 Sep;27(8):1629-51. Influence of circadian time of hypertension treatment on cardiovascular risk: results of the MAPEC study. Hermida RC, Ayala DE, Mojón A, Fernández JR.