L’hypertension artérielle masquée définie comme une pression artérielle (PA) normale (<140 /90 mmHg) au cabinet du médecin mais élevée lorsque mesurée en ambulatoire („d135/85 mm Hg) est un phénomène clinique qui prend de plus en plus d’importance. En effet, certaines études ont clairement démontré un risque cardiovasculaire accru chez les patients porteurs tant d’une hypertension masquée que d’une hypertension soutenue (PA élevée au bureau du médecin ET en ambulatoire) par rapport à ceux démontrant une hypertension artérielle de blouse blanche (PA élevée au bureau du médecin ET normale en ambulatoire). Malgré le fait que l’hypertension masquée représente un problème clinique étudié depuis peu, sa prévalence de l’ordre de 8-30% démontre bien l’importance de s’y intéresser. Dans un numéro récent du Journal of Hypertension, Milot et coll. rapportent les résultats d’une étude québécoise effectuée chez une population de 2370 travailleurs à col blanc (61% femmes, âge moyen de 44 ans). La PA a été mesurée en milieu de travail au moyen d’un appareil de monitoring ambulatoire. Après installation de l’appareil, un total de 3 lectures ont été prises afin de mimer une évaluation faite en cabinet clinique et les lectures ont ensuite été faites de façon automatique à un intervalle de 15 minutes durant les heures normales de travail. De leur échantillon aléatoire, les auteurs ont identifié une hypertension masquée chez 15% des participants (15.06%). Après analyse des différentes caractéristiques de leur population, la prévalence s’est révélée significativement plus importante chez les hommes (RC 2.38) et augmentait avec l’âge de ceux-ci (24.58% chez les 40-49 ans; RC 2.08 (vs < 40 ans)) ainsi qu’avec l’indice de masse corporelle (IMC > 27 ; RC 1.78). Par ailleurs, chez les femmes, la prévalence était aussi significativement augmentée par l’IMC (IMC > 27 ; RC 1.65) mais elle était aussi associée à la prise d’alcool („d 6 consommations/semaine ; RC 2.12).
Si on jette un regard aux valeurs de PA des individus démontrant une hypertension masquée, les hommes présentaient des valeurs moyennes relativement semblables à celles des femmes. En effet, les hommes présentaient des valeurs mesurées manuellement (cliniques) de 130/82 mm Hg et les femmes, de 128/82 mm Hg. Les valeurs ambulatoires moyennes étaient quant à elles, de 134/88 mm Hg et de 134/87 mm Hg, respectivement. Sur la base de ces valeurs moyennes, les auteurs démontrent la prévalence plus grande de l’hypertension masquée sur la base de la PA diastolique (56% des sujets) alors que l’hypertension masquée systolique (15%) ou systolo-diastolique (29%) étaient moins fréquentes.
Pour conclure, de plus en plus d’études démontrent l’importance de l’hypertension masquée comme facteur de risque cardiovasculaire L’utilisation de méthodes alternatives à la mesure en clinique comme l’automesure de la PA et le monitoring ambulatoire de la PA peut nous permettre de mieux la dépister. L’étude du groupe Milot et coll. revêt une importance clinique certaine puisqu’elle suggère des caractéristiques cliniques qui peuvent aider les cliniciens à mieux dépister l’hypertension masquée et ainsi prévenir les complications qui lui sont associée.
Luc Poirier, B. Pharm. M. Sc.
Référence
Trudel X, Brisson C, Larocque B, Milot A. Masked hypertension: different blood pressure measurement methodology and risk factors in a working population. J Hypertens 2009 ; 27 :1560-67