Les diurétiques thiazidiques font partie intégrante du traitement de base de l’hypertension artérielle. Parmi ceux-ci, l’hydrochlorothiazide (HCTZ) est l’agent de loin le plus utilisé, d’une part en raison de la longue expérience acquise après plus de 50 ans d’utilisation et d’autre part parce qu’il se retrouve dans une multitude de combinaisons à dosage fixe en association notamment avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA). Il importe cependant de mentionner que, depuis quelques années, nous utilisons des doses plus faibles d’HCTZ (12.5- 25 mg/jour) afin de diminuer l’incidence des effets indésirables tant métaboliques (perturbations électrolytiques, intolérance au glucose, etc.) que physiques (diminution de la libido, etc.). Selon des données américaines de 2008, l’HCTZ est utilisé à cette dose dans plus de 97% des cas. Cependant, l’utilisation de doses plus faibles a-t-elle eu un impact négatif sur l’effet antihypertenseur obtenu – Messerli et coll. ont récemment publié dans la revue JACC une méta-analyse évaluant les effets antihypertenseurs de l’HCTZ sur la pression artérielle (PA) ambulatoire des 24 heures.
Cette méta-analyse basée sur un total de 19 études regroupant 1463 sujets (âge moyen : 58 ans et sexe masculin : 54%) a évalué les effets antihypertenseurs du diurétique et les a comparés avec ceux des IECA, des ARA, des bêta-bloqueurs (BB) et des bloquants des canaux calciques (BCC) (14 études avec HCTZ 12.5-25 mg/jour (n=1234) et 5 études avec HCTZ 50 mg/jour (n=229)). Ainsi, l’HCTZ aux doses de 12.5-25 mg/jour a induit des réductions moyennes des PA systoliques/diastoliques des 24 heures de -6.5/-4.5 mm Hg alors que la dose de 50 mg les a réduites de -12.0/-5.4 mm Hg. Pendant que les réductions des PA systoliques/diastoliques provoquées par les IECA (-12.9/-7.7 mm Hg), les ARA (-13.3/-7.8 mm Hg), les BB (-11.2/-8.5 mm Hg) et les BCC (-11.0/-8.1 mm Hg) étaient significativement supérieures à celles de l’HCTZ 12.5-25 mg/jour, la différence n’était plus significative et l’efficacité était donc similaire avec l’emploi d’une dose de 50 mg/jour. Il est aussi important de noter que l’efficacité des doses de 12.5 et 25 mg n’était pas significativement différente l’une de l’autre. Cependant, l’efficacité de la dose de 50 mg était significativement supérieure aux doses plus faibles en ce qui a trait à la PA systolique alors que les effets sur la PA diastolique se révélaient supérieurs seulement en comparaison avec la dose de 12.5 mg/jour. Finalement, lorsque l’on comparait les effets antihypertenseurs des faibles doses d’HCTZ à celles des autres classes thérapeutiques sur la base des PA mesurées en clinique, les diminutions se révélaient similaires peu importe la classe d’agents antihypertenseurs utilisées.
Ces résultats viennent mettre en lumière différents éléments de discussion. Ainsi, étant donné les différences entre les résultats mesurés au moyen du monitoring ambulatoire de la PA des 24 heures et ceux mesurés en clinique, il appert encore une fois important de souligner l’importance d’utiliser la mesure ambulatoire pour discriminer les effets antihypertenseurs réels des différents agents.
Quant à l’efficacité clinique de l’HCTZ, qu’en est-il – Cette étude nous démontre que l’utilisation d’HCTZ à faibles doses pourrait ne pas être aussi efficace que les autres classes d’agents antihypertenseurs. Beaucoup mettent actuellement en doute l’efficacité de cet agent sur la base de certaines études cliniques comme ANBP-2, MRFIT et plus récemment, ACCOMPLISH. De plus, la grande majorité des études de morbi/mortalité ont été réalisées avec l’HCTZ à des doses de 50 mg/jour ou plus, ou avec d’autres diurétiques, notamment la chlortalidone. Dans leur conclusion, les auteurs suggèrent de s’abstenir de prescrire l’HCTZ comme médicament de première intention pour le traitement de l’hypertension artérielle.
Il ne faut toutefois pas perdre de vue la raison pour laquelle nous utilisons de plus faibles doses, en l’occurrence un meilleur profil d’effets indésirables. Même si elle remet en question l’efficacité de l’HCTZ en thérapie de première intention, cette méta-analyse n’invalide pas l’utilisation de cet agent en association avec d’autres antihypertenseurs où des bénéfices clairs ont été démontrés en termes de meilleur contrôle de la pression artérielle. Le Programme Éducatif canadien sur l’Hypertension (PECH) continue d’ailleurs à en recommander l’utilisation tant en traitement de première intention qu’en association.
Luc Poirier B. Pharm. M. Sc.
Référence
Messerli FH, Makani H, Benjo A, et al. Antihypertensive efficacy of hydrochlorothiazide as evaluated by ambulatory blood pressure monitoring. A meta-analysis of randomized trials. JACC 2011;57 :590-600.