On sait que la tension artérielle diminue normalement de façon physiologique la nuit (phénomène » dipper « ), et que la non-diminution de la tension artérielle la nuit semble augmenter le risque de morbidité cardio-vasculaire chez l’hypertendus. Ce qu’on ne savait pas, c’est que même chez les sujets normotendus, la non-diminution de la tension artérielle la nuit semble aussi être associé à une augmentation de la morbidité cardio-vasculaire, du moins si on en croit l’étude d’Ohasama 1.
Mille cinq cent quarante deux (1542) résidents d’Ohasama, (Japon) de plus de 40 ans ont été inclus dans cette étude d’observation et suivi de façon prospective 9,2 ans en moyenne. Tous ont eu un monitorage ambulatoire de pression artérielle (MAPA) de 24 heures. Un sujet » non dipper » se définissait par une diminution nocturne de la TA systolique ou diastolique inférieure à 10 %. Les sujets » non dippers » étaient au départ plus âgés et recevaient plus d’antihypertenseurs que les sujets » dippers « .
Chez les sujets hypertendus » non dippers « , le risque relatif de mortalité cardio-vasculaire était de 5,37 (IC 95% 2,62-11, p = 0,0001) par rapport aux » dippers » normotendus. Le risque relatif était de 2,67 (IC 1,18-4,71, p = 0,017) pour les hypertendus » dippers » par rapport aux normotendus » dippers » et de 2,35 (IC 1,19-5,97, p = 0,015) pour les normotendus » non dippers » par rapport aux normotendus » dippers « , après ajustement pour les facteurs confondants. La non-diminution nocturne de la TA semblait donc être un facteur de risque cardio-vasculaire aussi bien chez les normotendus que les hypertendus dans cette population japonaise.
Est-ce que cette étude change la pratique ? Elle confirme surtout ce qu’on savait déjà, et extrapole le risque associé aux » non-dippers » aux normotendus. On aura peut-être tendance à être plus agressif dans notre traitement antihypertenseur chez nos patients » non-dippers « , mais actuellement aucune étude n’a évalué cette approche 2. Il reste que la cause de cette augmentation de mortalité reste encore inconnu ; est-ce parce qu’il y a plus d’HTA secondaire, de diabétiques, d’apnée du sommeil, d’HTA mal contrôlée chez les » non dippers » ? Quel est l’effet des différentes classes de médicaments ? De toute manière, comme les appareils de MAPA ne sont pas toujours aisément accessibles, l’impact de cette étude restera probablement mineur, du moins pour l’instant.
Jovette Morin, MD, FRCPC
Luc Lanthier, MD, MSC, FRCPC
Références:
1 Ohkubo T, Hozawa A, Yamaguchi J et coll. Prognostic significance of the nocturnal decline in blood pressure in individuals with and without high 24-h blood pressure: the Ohasama study. J Hypertens 2002 ; 20 : 2183-89.
2 Stolarz K, Staessen JA, O’Brien ET. Night-time blood pressure : dipping into the future – J Hypertens 2002 ; 20 : 2131-33