L’étude AASK 1 (African American Study of Kidney Disease and Hypertension) publiée ce mois-ci dans le JAMA renforce un concept important en hypertension : toutes les classes d’antihypertenseurs ne semblent pas égales lorsqu’on parle de protection d’organes cibles. Les IECA sont dans cette étude de plus grands protecteurs de la fonction rénale que les bloquants calciques dihydropyridine ou les bêtabloquants.
L’étude AASK a évalué 1094 afro-américains de 18 à 70 ans avec hypertension et néphropathie hypertensive significative (filtration glomérulaire entre 20-65 cc/min). Le but de cette étude était de répondre à deux questions importantes : 1 – y a-t-il un bénéfice à traiter l’HTA plus agressivement chez ces patients (en visant un TA moyenne de 92 mmHg plutôt que 102-107 mmHg), et 2- quelle est la classe d’antihypertenseurs parmi les IECA, les bloquants calciques ou les bêtabloquants, la plus efficace pour freiner la détérioration de la fonction rénale et empêcher la survenue d’événements cliniques chez ces sujets. On savait déjà depuis 2000 que la comparaison entre IECA (ramipril) et le bloquant calcique (amlodipine) avait démontré la supériorité de l’IECA, cette branche de l’étude ayant été cessée prématurément 2. La question à savoir si une baisse de TA plus agressive était bénéfique, et quel agent parmi l’IECA et le bêtabloquant (métoprolol) était le plus efficace, restait par contre en suspend.
Pour ce qui est de l’objectif de TA à viser chez ces patients, il ne semble pas y avoir de bénéfices à viser une tension artérielle très basse chez ces sujets. La pente de la filtration glomérulaire est la même, que l’on ait 92 ou 102-107 mmHg de tension artérielle moyenne. Par ailleurs, aucune des trois classes d’antihypertenseurs ne modifie significativement la pente de la filtration glomérulaire non plus. C’est lorsqu’on s’attarde à la survenue d’événements cliniques (une combinaison de mortalité, insuffisance rénale terminale ou diminution ³ 50 % du taux de filtration glomérulaire) que l’IECA montre sa supériorité sur le bêtabloquant (réduction du risque relatif de la combinaison d’issues cliniques de 22 %, IC 95 % 1-38 %, p = 0,04) et sur le bloquant calcique (réduction du risque relatif de 38 %, IC 14-56 %, p = 0,004). Il n’y a par contre pas de différence entre le bêtabloquant et le bloquant calcique.
Cette étude a une importance énorme. Elle confirme la supériorité d’une stratégie d’inhibition du système rénine-angiotensine dans le traitement de la néphropathie compliquant l’HTA, tel que suggéré par RENAAL, IDNT, MARVAL et autres. Par contre, elle remet en question le concept du ´ lower is better ª dans la néphropathie hypertensive avancée. À suivre.
Jovette Morin, MD, FRCPC
Luc Lanthier, MD, MSC, FRCPC
Références:
1 Wright JT, Bakris G, Greene T et coll. Effect of Blood Pressure Lowering and Antihypertensive Drug Class on Progression of Hypertensive Kidney Disease. Results From the AASK Trial. JAMA 2002 ; 288 : 2421-2431.
2 Agodoa LY, Appel L, Bakris GL et coll. Effect of Ramipril vs Amlodipine on Renal Outcomes in Hypertensive Nephrosclerosis. JAMA 2000 ; 285 : 2719-28