L’étude ANBP-2 (Second Australian National Blood Pressure Study) publiée dans le New England Journal of Medicine1 de ce mois-ci, avait pour but de comparer un traitement à base de diurétique à un traitement à base d’IECA (inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II) chez des sujets hyperdendus âgés de 65 à 84 ans.
6083 sujets provenant de 1594 bureaux d’omnipraticiens australiens ont été inclus et suivi pour 4,1 ans. L’âge moyen des sujets était de 72 ans, la TA moyenne de 168 / 91 mmHg au départ. L’issue primaire étudiée était une combinaison de tout événement cardio-vasculaire ou la mortalité de toute cause. Tous les événements cardio-vasculaires étaient inclus dans le calcul des issues. Le plan de l’étude était prospective, randomisé contrôlé à simple insu (´PROBEª). L’agent utilisé devait faire partie de la classe des diurétiques ou des IECA, mais le choix de l’agent spécifique était laissé au médecin traitant. La TA visée était < 140 / 80 mmHg si tolérée. La diminution de TA a été comparable dans les 2 groupes (baisse de 26 / 12 mmHg à 5 ans). Il y a eu 695 événements dans le groupe IECA (56,1 par 1000 pt-années) contre 736 événements dans le groupe thiazidique (59,8 par 1000 pt-années), pour un risque relatif de 0,89 (IC 95 % 0,79-1,00, p = 0,05). Il semble y avoir moins d'infarctus avec les IECA, mais autant d'AVC dans les deux groupes. Il n'y a aucune différence dans la mortalité totale ou cardio-vasculaire entre les 2 groupes. De façon surprenante, il y a moins d'événements chez les hommes avec IECA, tandis que chez les femmes il n'y a aucune différence entre IECA et diurétique (mais cette analyse a été faite a posteriori). 165 sujets ont été perdus au suivi. L'étude ANBP-2 vient jeter un peu d'huile sur le feu dans la controverse sur quel devrait être l'agent de première ligne en HTA, moins de 2 mois après l'étude ALLHAT. D'ailleurs, les résultats d'ANBP-2 semblent en contradiction directe avec ALLHAT. Mais comme mentionné dans l'éditorial de Frohlich2, plusieurs différences existent entre les deux études. Les agents utilisés n’étaient pas identiques (chlorthalidone vs hydrochlorothiazide, lisinopril vs énalapril), les combinaisons de traitement dans ALLHAT étaient plus hétéroclites, 95 % des sujets d’ANBP-2 était caucasiens, les TA étaient supérieures au départ dans ANBP-2, les sujets avaient moins de comorbidités dans ANBP-2, … Plus fondamentalement, ANBP-2 est méthodologiquement plus faible car ouverte (donc plus sujette à biais, surtout que certaines issues relevées étaient moins cliniquement significatives que d’autres). Rare sont les études comme ANBP-2 qui combinent toutes les issues cardio-vasculaires existantes comme issue primaire. Du point de vue statistique, l’étude n’est pas positive puisque l’intervalle de confiance comprend le 1, surtout qu’il a eu quelques pertes au suivi qui pourrait faire ´pencher la balanceª de signification statistique d’un côté ou de l’autre. La puissance d’ANBP-2 était relativement faible, avec seulement un écart de 41 issues primaires entre les 2 groupes, dont 17 mortalités non cardio-vasculaires de plus avec les diurétiques ! (beaucoup moins que dans ALLHAT) … Il reste qu’ANBP-2 est une étude majeure et intéressante malgré ses imperfections.
Par ailleurs, l’étude ALLHAT a continué à faire couler beaucoup d’encres. De nombreux bonzes du monde de l’HTA ont osé commenter cette étude ce mois-ci. Pour des références, voir la section Autres articles d’intérêts du mois.
Pour ce qui est du meilleur agent en première ligne dans l’HTA, la question fera encore débat, même s’il semble de plus en plus évident que toutes les classes sont probablement équivalentes, et que de toute manière le traitement antihypertenseur doit comprendre plus souvent qu’autrement une combinaison de traitement, qui elle doit probablement comprendre un diurétique… Un débat à suivre !
Jovette Morin, MD, FRCPC
Luc Lanthier, MD, MSC, FRCPC
Références:
1 Wing LMH, Reid CM, Ryan P et coll. A Comparison of Outcomes with Angiotensin-Converting—Enzyme Inhibitors and Diuretics for Hypertension in the Elderly. N Engl J Med 2003 ; 348 : 583-92.
2 Frohlich ED. Treating Hypertension — What Are We to Believe – N Engl J Med 2003 ; 348 : 639-41.