Depuis plus de 30 ans, les bêta-bloquants sont utilisés comme antihypertenseurs et sont toujours recommandés comme agents de première ligne dans plusieurs consensus de traitement1. Un groupe suédois a voulu évaluer les bénéfices des bêta-bloquants comme antihypertenseurs, en les comparant à la fois au placebo et aux autres classes d’antihypertenseurs2, complétant ainsi l’analyse semblable qu’ils avaient faite l’an passé avec l’aténolol3.
13 études randomisées contrôlées comparant les bêta-bloquants à d’autres antihypertenseurs et 7 études randomisées contrôlées par placebo ont été incluses dans cette méta-analyse (comprenant 133 384 sujets). Le risque d’AVC était 16 % supérieur (IC 95 % 4-30 %) avec les bêta-bloquants qu’avec les autres antihypertenseurs. Il n’y avait pas de différence pour les infarctus du myocarde ou la mortalité totale. Lorsque les bêta-bloquants étaient comparés au placebo, le risque d’AVC était diminué de 19 % (IC 95 % 7-29 %), mais il n’y avait pas de différence pour les infarctus du myocarde ou la mortalité totale.
Selon les auteurs, les bêta-bloquants seraient moins efficace que les autres antihypertenseurs pour réduire l’AVC et ne devraient plus être recommandés comme agents de première ligne en HTA ou comme agents comparateurs dans les études cliniques majeures.
Par contre, certains points méritent d’être discutés. Les différences de TA entre groupes n’ont pas été tenues en compte dans cette analyse. Or, deux des études les plus importantes incluses dans cette méta-analyse, LIFE et ASCOT, ont démontré une plus grande efficacité pour diminuer la TA dans le groupe non-bêta-bloquants (différence de 2,7/1,9 mmHg dans ASCOT), ce qui peut expliquer en partie « l’infériorité » des bêta-bloquants4. Si on place ces études sur le graphique de Steassen5, le bénéfice de ces études s’expliquent parfaitement par cette différence de TA entre les groupes de traitement. De plus, l’inclusion des sujets avec HTA systolique isolée dans ces deux études pourrait « contaminer » les résultats, les bêta-bloquants n’ayant jamais démontré de bénéfice pour ce type d’hypertension. Voilà ce qui explique pourquoi le Programme Éducatif Canadien sur l’HTA 2006 n’a pas modifié ses recommandations sur l’utilisation des antihypertenseurs ; ainsi, les bêta-bloquants restent des agents de première ligne pour l’HTA systolo-diastolique (pour les sujets de moins de 60 ans) mais non pour l’HTA systolique isolée. Et en présence d’indication formelle, les bêta-bloquants restent un choix recommandé dans la cardiomyopathie ischémique, en post-infarctus ou en insuffisance cardiaque systolique.
Cette méta-analyse sera sûrement sujette à multiples débats et interprétations dans les mois qui viennent. Une controverse à suivre …
Luc Lanthier, MD, MSc, FRCPC
Références :
1 Khan NA, McAlister FA, Lewanczuk RZ et coll. The 2005 Canadian Hypertension Education Program recommendations for the management of hypertension: Part II – Therapy Can J Cardiol 2005 ;21: 657-672.
2 Lindholm LH, Carlberg B, Samuelsson O. Should ß blockers remain first choice in the treatment of primary hypertension? A meta-analysis. Lancet 2005 ; 366 : 1545-53.
3 Carlberg B, Samuelsson O, Lindholm LH. Atenolol in hypertension : is it a wise choice? Lancet 2004 ; 364 : 1684-89.
4 Poulter NR, Wedel H, Dahlöf B et coll. Role of blood pressure and other variables in the differential cardiovascular event rates noted in the Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial-Blood Pressure Lowering Arm (ASCOT-BPLA). Lancet 2005 ; 366 : 907-13.
5 Staessen JA, Wang JG, Thijs L. Cardiovascular prevention and blood pressure reduction: a quantitative overview updated until 1 March 2003. J Hypertens 2003 ; 21 : 1055-76.