Les patients atteints de diabète de type 2 sont à haut risque de maladies cardiovasculaires. Ainsi, il est recommandé de contrôler agressivement les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires chez ces patients. Notamment, il est recommandé de viser une tension artérielle en bas de 130/80 mmHg chez ces patients même si cette cible n’est pas basée sur des données provenant d’études randomisées. Les investigateurs du bras hypertension de l’étude ACCORD ont donc voulu vérifier s’il y avait une meilleure protection cardiovasculaire chez des patients atteints de diabète de type 2 en visant une tension artérielle systolique en bas de 120 mmHg (groupe intensif), par rapport à viser une tension artérielle en bas de 140 mmHg seulement (groupe standard). Ces cibles devaient être atteintes rapidement en utilisant une stratégie thérapeutique antihypertensive et cardioprotective optimale dans les 2 groupes, mais avec une cible thérapeutique différente. C’est donc une étude comparant des cibles thérapeutiques différentes et non des stratégies ou des médicaments différents. Cette étude a été présentée lors du congrès de l’ACC à Atlanta, le 14 mars dernier, et elle a été publiée en ligne en même temps dans le New England Journal of Medicine.
Dans cette étude, 4 733 patients diabétiques de type 2 ont été randomisés. Les caractéristiques de base des patients des 2 groupes étaient similaires: l’âge moyen était de 62 ans avec presque 50% de femmes et 34% des patients et avaient déjà un antécédent de maladie cardiovasculaire. La tension artérielle baisse rapidement dans les 2 groupes, atteignant 119 mmHg dans le groupe intensif et 133 mmHg dans le groupe standard (différence entre les 2 groupes : 14.2/6.1 mmHg). Cette différence se maintient dans le temps. Après un suivi de 4.7 ans (5 ans pour la mortalité de toute cause) il n’y a pas eu de différence significative entre les 2 groupes pour les événements cardiovasculaires majeurs. De plus, il y avait une tendance à une augmentation de la mortalité de toute cause dans le groupe intensif et il y avait 2 fois plus d’effets secondaires importants dans le groupe intensif (77 vs 30, P < 0.001). Il y a donc un signal clair qu’il est possible de nuire au patient en visant une tension artérielle trop basse. Par contre, il y avait un peu moins d’AVC dans le groupe intensif (36 vs 62, P=0.01). À part pour les effets secondaires, les différences entre les 2 groupes sont très faibles (moins de 0.2% : voir le tableau). [table type='table_2'] [table_row] [table_data type='heading']Paramètre étudié[/table_data] [table_data type='heading']Groupe intensive (% absolue)[/table_data] [table_data type='heading']Groupe standard (% absolue)[/table_data] [table_data type='heading']Différence du traitement intensif moins standard [/table_data] [/table_row][table_row] [table_data]Paramètre d’évaluation primaire : infarctus, AVC, mortalité cardiovasculaire[/table_data] [table_data toolip='Established fact that a reader will be distracted by the readable content of a page when looking.']1.9%[/table_data] [table_data]2.1%[/table_data] [table_data]-0.2% (P=0.20)[/table_data] [/table_row][table_row] [/table_row][table_row] [table_data]Mortalité de toute cause[/table_data] [table_data toolip='Established fact that a reader will be distracted by the readable content of a page when looking.']1.28%[/table_data] [table_data]1.19%[/table_data] [table_data]+0.1% (P=0.55)[/table_data] [/table_row][table_row] [/table_row][table_row] [table_data]AVC[/table_data] [table_data toolip='Established fact that a reader will be distracted by the readable content of a page when looking.']0.32%[/table_data] [table_data]0.53%[/table_data] [table_data]-0.2% (P=0.01)[/table_data] [/table_row][table_row] [/table_row][table_row] [table_data]Effets secondaires importants[/table_data] [table_data toolip='Established fact that a reader will be distracted by the readable content of a page when looking.']3.3%[/table_data] [table_data]1.3%[/table_data] [table_data]+2.0% (P<0.001)[/table_data] [/table_row][table_row] [/table]
Cette étude possède de nombreuses forces: c’est une étude indépendante, subventionnée et conduite par le NIH. C’est une étude randomisée de cible de tension artérielle et non de stratégie thérapeutique, ce dont on a bien besoin dans le domaine de l’hypertension. Au niveau des limitations de cette étude, on note que le taux d’événements était plus bas que prévu, ce qui diminue la puissance de l’étude et cette étude n’a pas été faite à l’aveugle.
La principale conclusion de cette étude est que de baisser la tension artérielle en bas de 120 mmHg chez un patient atteint de diabète de type 2 n’est pas justifiée par les évidences d’aucune étude randomisée. Ceci est en accord avec plusieurs études en hypertension : INVEST, HOT, ONTARGET, etc. Il est donc possible que la grande majorité du bénéfice de traiter l’hypertension soit acquis lorsque nous atteignons une tension artérielle en bas de 140 mmHg: aller plus bas est plus coûteux et sans bénéfice additionnel. De plus, étant donné qu’il n’y a pas de différence ici entre une cible en bas de 140 mmHg, par rapport à en bas de 120 mmHg, on peut même mettre en doute la recommandation de viser une cible en bas de 130 mmHg chez les patients diabétiques.
La protection cardiovasculaire des patients avec diabète de type 2 s’est grandement améliorée dans les dernières années. Ceci est encore démontré dans l’étude ACCORD avec un taux d’événements cardiovasculaires majeurs de 2% par année seulement. Avons-nous atteint le maximum de protection que l’on peut offrir avec les médicaments actuels? Cette protection cardiovasculaire nécessite un contrôle de la glycémie optimale, mais pas trop basse, et nous savons maintenant qu’elle nécessite aussi un contrôle optimal de la tension artérielle, mais pas trop basse. Sinon, le spectre de la courbe en J du sur-traitement de la tension artérielle pourrait venir hanter nos patients.
Dr Michel Vallée MD MSc (épi.) PhD FRCP(C)
Néphrologue
Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Membre du CHEP
Références
Effects of Intensive Blood-Pressure Control in Type 2 Diabetes Mellitus. The ACCORD Study Group. N Engl J Med. 2010 Mar 14.
Editorial: ACCORD and Risk-Factor Control in Type 2 Diabetes. Nilsson PM. N Engl J Med. 2010 Mar 14.