La néphropathie diabétique est la principale cause de maladie rénale terminale dans les pays industrialisés. L’étude AVOID (1) a évalué les effets réno-protecteurs de la double inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) par combinaison de l’aliskiren, un nouvel agent de la classe des inhibiteurs directs de la rénine (IDR), avec le losartan, un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II (ARA), chez des patients hypertendus souffrant de diabète mellitus de type 2 et de néphropathie.
Pour être inclus dans cette étude randomisée et à double insu, les patients devaient présenter une néphropathie, définie comme un ratio albumine/créatinine urinaire > 300 mg/g obtenu à partir d’un échantillon d’urine matinal, ou > 200 mg/g si le patient prenait une thérapie agissant sur le SRAA. Les critères d’exclusion étaient une maladie rénale non diabétique, un ratio albumine/créatinine urinaire > 3500 mg/g, un taux de filtration glomérulaire (TFG) < 30 mL/min/1,73mune infection urinaire chronique, une concentration sérique de potassium > 5,1 mmol/L. L’intervention de l’étude consistait à administrer, en plus du losartan 100 mg une fois par jour, soit de l’aliskiren à une dose de 150 mg par jour pendant trois mois et de 300 mg par jour pendant les trois mois suivants (n=301), soit un placebo pendant six mois (n=298). En excluant les médicaments agissant sur le SRAA, d’autres agents antihypertenseurs pouvaient être pris par les patients de l’étude et modifiés de façon à atteindre la pression artérielle cible de < 130/80 mmHg. L’issue primaire de l’étude était la réduction du ratio albumine/créatinine urinaire après 24 semaines de traitement. Les résultats de l’étude montrent qu’à 24 semaines, la protéinurie dans le groupe aliskiren a été réduite de 20% (IC 95%, 9 à 30; P<0,001) par rapport au groupe placebo; une réduction égale ou supérieure à 50% a été observée chez 24,7 % des patients sous aliskiren, comparativement à 12,5% pour ceux du groupe placebo (p<0,001). Les patients sous aliskiren ont eu des diminutions légèrement différentes de la tension artérielle systolique (2 mmHg; P=0,007) et diastolique (1 mmHg, P=0,008). Pendant la même période, le TFG a décru de 2,4 ml/min par 1,73 m2 (IC 95%, 1,1 à 3,7) dans le groupe aliskiren et de 3,8 ml/min par 1,73 m2 (IC 95%, 2,5 à 5,1) dans le groupe placebo (P = 0,07). Globalement, le nombre d’effets indésirables a été comparable entre les 2 groupes. L’hyperkaliémie a été moins fréquente chez les patients prenant l’aliskiren, soit 5,0 %, que chez ceux recevant le placebo, soit 5,7 %. Toutefois, la proportion de patients ayant eu une valeur de kaliémie ≥ 6,0 mmol/L était supérieure avec l’aliskiren (4,7 %) par rapport au placebo (1,7 % ; P=0,06). La diminution de la protéinurie et le contrôle de la tension artérielle sont deux approches à privilégier pour retarder le déclin de la fonction rénale chez les patients hypertendus diabétiques. Les thérapies combinant un inhibiteur de l’ECA avec un ARA, ou un inhibiteur de l’ECA avec ou sans un ARA et avec ou sans un inhibiteur à l’aldostérone, se sont montrées efficaces dans la poursuite de ces objectifs. L’étude AVOID montre que l’association d’un IDR (à raison de 300 mg d’aliskiren par jour) avec un ARA (losartan à dose maximale soit 100 mg par jour) représente une approche nouvelle et bénéfique, du moins à court terme. Par rapport au losartan seul, les améliorations produites par cette bithérapie sont minimes pour la maîtrise de l’hypertension mais substantielles pour la diminution de la protéinurie. Sur la forme, il s’agit d’une étude bien exécutée, au devis expérimental robuste et associée à une puissance statistique élevée (94%). Les groupes étaient comparables au départ, si ce n’est de l’âge et du début du diabète, ce qui a été considéré dans les analyses statistiques. On peut cependant reprocher aux auteurs d’avoir donné peu de détails sur les thérapies antihypertensives concomitantes autorisées durant le protocole, lesquelles peuvent avoir eu un impact sur les résultats de protéinurie (ex. bloqueurs calciques non-dihydropyridiniques). En résumé, l’étude AVOID est la première a évaluer l’efficacité et l’innocuité du double blocage du SRAA par un IDR et un ARA dans la néphropathie diabétique. Cette bithérapie s’avère intéressante de par son action réno-protectrice; d’autres études sont nécessaires afin de préciser sa place par rapport aux autres thérapies reconnues dans cette indication. De plus, les effets à long terme de cette bithérapie restent à démontrer, notamment sur la kaliémie et chez les patients ayant un faible TFG, lesquels ont été exclus de l’étude AVOID. Jean Lefebvre, pharmacien. Faculté de pharmacie, Université Laval Unité de recherche sur l’hypertension artérielle, CHUQ Référence :
(1) Parving HH, Persson F, Lewis JD, et al. Aliskiren Combined with Losartan in Type 2 Diabetes and Nephropathy. N Engl J Med 2008; 358(23); 2433-46.