La vitamine D (vitD) est impliquée dans l’homéostasie du calcium, du phosphore et de la PTH. La déficience sévère en vitamine D (25-OH vit D < 12.5 nmol/L) cause l’ostéomalacie chez l’adulte et le rachitisme chez l’enfant. Une déficience modérée (25-OH vit D < 37.5 nmol/L) est associée à un risque accru de fractures de hanche et à une élévation de la PTH mais dans les limites de la normale. Une déficience légère finalement (25-OH vit D < 75 nmol/L) est associée à une baisse de la densité osseuse mais dans les valeurs normales (1). Il y a une recrudescence d’intérêt pour la vitD depuis que certaines études ont suggéré une association possible entre une déficience en vitD et les maladies cardiovasculaires, des néoplasies ainsi que des problèmes métaboliques ou immunitaires. De plus une méta-analyse récente suggère que la supplémentation en vitD diminue la mortalité totale (2). Le mécanisme par lequel la vitD diminue la mortalité est inconnu, mais ceci pourrait être médié par la baisse des fractures ainsi que par un effet potentiellement protecteur de la vitD au niveau cardiovasculaire et néoplasique. En effet, la vitD régule au moins 3% du génome humain et il y a des récepteurs de la vitD un peu partout dans l’organisme, ce qui soulève l’hypothèse qu’il existe des effets pléiotropiques extra osseux importants de la vitD qu’on a peut-être négligés jusqu’à maintenant. Au niveau de la tension artérielle (TA), la vitD semble baisser la TA via un effet vasodilatateur direct et en inhibant le système rénine-angiotensine-aldostérone (3). Par contre, les études observationnelles d’association entre la vitD et la TA sont contradictoires, certaines montrant un effet positif, d’autres négatif ou neutre (3). Une méta-analyse récente des études randomisées ayant étudié l’effet de la supplémentation en vitD sur la TA ne démontre qu’un effet hypotenseur faible qui n’est pas significatif sur la TA systolique (-3.6 mmHg, intervalle de confiance à 95% -8.0 à 0.7), et faiblement significatif sur la TA diastolique (-3.1mmHg, intervalle de confiance à 95% CI -5.5 à -0.6) (4). Il n’y avait aucun effet si les sujets avaient une TA normale au départ. L’effet anti-hypertenseur de la vitD semble plus grand chez les patients hypertendus au départ et ayant aussi une insuffisance en vitamine D. Pour ces raisons, PILZ et al (3), dans un article publié ce mois-ci, suggèrent de donner de la vitD aux patients hypertendus ayant une déficience même légère en vitamine D (< 75nmol/l de 25-OH-vitamine D). Cette recommandation est-elle raisonnable? Premièrement, mentionnons que ceci implique un grand nombre de patients à traiter. En utilisant 75 nmol/l comme niveau d’insuffisance en vitamine D, 50% de l’humanité se verra affublé d’un diagnostic de carence en vitD (3), pourcentage qui atteint près de 100% en hiver chez les Canadiens (5). De plus, 30 à 40% de la population étant hypertendu, l’association des deux situations sera fréquente. Ceci pose un problème de santé publique tant au niveau du dépistage que du traitement. Jusqu’à maintenant, aucun regroupement d’expert ne recommande de doser la vitD chez les patients hypertendus. Deuxièmement, l’association entre une déficience en vitamine D et l’apparition ou l’exacerbation d’une hypertension est loin d’être bien démontrée pour l’instant. Troisièmement, l’effet hypotenseur d’un supplémentation en vitD est très marginal (4). Par comparaison, la supplémentation en calcium semble plus fortement associée à une baisse de TA (6). Quatrièmement, aucune étude randomisée et contrôlée, voire à double-insu, n’a fait la preuve qu’une correction d’une déficience en vitD ou une simple supplémentation, diminuaient la mortalité cardiovasculaire ou globale. Par ailleurs, la supplémentation en vitD est un traitement reconnu comme étant sécuritaire et peu coûteux. Ce n’est certainement pas une raison suffisante pour en prescrire car il en va de même de nombreux produits vendus en pharmacie sans ordonnance… En conclusion, l’association possible entre la vitD et l’hypertension est intéressante. L’effet apparemment faible de la supplémentation en vitD sur la tension artérielle est cependant décevant. Il n’est pas certain que cet effet, appliqué à une très grande population, diminuerait le fardeau des maladies cardiovasculaire. Il n’est pas recommandé pour l’instant de doser la vitamine D chez les patients hypertendus. Il est également trop tôt pour recommander ce traitement chez les patients hypertendus. Cependant, si un patient hypertendu a un dosage de vitamine D pour une autre raison et que ce patient se trouve à avoir une insuffisance en vitamine D (< 75nmol/l), il ne serait pas déraisonnable de traiter ce patient avec de la vitamine D. Il faudra attendre des études randomisées plus importantes que celles actuellement disponibles avant de conclure en la nécessité de doser la vitD chez les patients hypertendus pour éventuellement traiter ceux dont le dosage est bas. Dr Michel Vallée MD MSc (épi.) PhD FRCP(C) Néphrologue, Hôpital Maisonneuve-Rosemont Références:
(1) Holick M. F. Vitamin D deficiency. N. Engl. J.of Med. 357, 266-281 (2007).
(2) Autier, P. & Gandini, S. Vitamin D supplementation and total mortality: a metaanalysis of randomized controlled trials. Arch. Intern. Med. 167, 1730–1737 (2007).
(3) Pilz, S. et al. Vitamin D status and arterial hypertension:a systematic review. Nat. Rev. Cardiol. advance online publication 18 August 2009.
(4) Miles D. Witham, M. Adnan Nadir and Allan D. Struthers. Effect of vitamin D on blood pressure: a systematic review and meta-analysis, Journal of Hypertension 2009, 27: [Epub ahead of print]
(5) G Schwalfenberg. Not enough vitamin D: Health consequences for Canadians. Can Fam Physician 2007;53:841-854
(6) LAJ van Mierlo, LR Arends, MT Streppel, MPA Zeegers, FJ Kok, DE Grobbee,JM Geleijnse. Blood pressure response to calcium supplementation: a meta-analysis of randomized controlled trials. Journal of Human Hypertension (2006) 20, 571–580.